http://www.senat.fr/questions/base/2018/qSEQ180605585.html
Question écrite n° 05585 de Mme Dominique Estrosi Sassone (sénatrice des Alpes-Maritimes)
Mme Dominique Estrosi Sassone interroge M. le ministre de l'action et des comptes publics sur la volonté du Gouvernement de réaliser des économies budgétaires dans le volet des prestations sociales.
Alors que le Gouvernement est à la recherche d'économies budgétaires pour la prochaine loi de finances et à la suite de ses déclarations de mai 2018 sur les aides sociales, lorsqu'il a évoqué « le champ social qui représente 50 % de la sphère publique et qui doit être audité », la question de la réforme des prestations sociales est donc ouverte.
En outre, le président de la République, alors en campagne présidentielle, avait proposé de fusionne les aides actuelles en une prestation unique dénommée « versement social unique ».
De plus, le fonds monétaire international a récemment appelé la France à réduire ses dépenses sociales pour pérenniser sa trajectoire budgétaire.
En parallèle, l'observatoire national de l'action sociale souligne dans son rapport de mai 2018 que les dépenses d'action sociale des départements ont augmenté en 2017, pour la seconde année consécutive, pour un montant métropolitain de 37,43 milliards d'euros.
De leur côté, les caisses d'allocations familiales (CAF) ont détecté 45 100 cas de fraude aux prestations en 2017, soit une hausse de 5 % par rapport à 2016, pour un montant total de 291 millions d'euros, un montant équivalent au budget annuel des amendes majorées au code de la route, constatées par les forces de l'ordre.
Elle lui demande ce que le Gouvernement prévoit de faire contre la fraude aux prestations sociales et s'il compte mettre en place de nouveaux moyens de vérification. Elle voudrait également savoir si le Gouvernement mettra en œuvre cette réforme des prestations sociales lors de la prochaine loi de finances et comment il envisage de traduire dans le budget la volonté de « simplification et d'harmonisation » sans seulement réaliser des coupes budgétaires pour nos concitoyens les plus fragiles mais bien refondre un nouveau système.
Réponse du Ministère de l'action et des comptes publics publiée dans le JO Sénat du 13/12/2018 p. 6394
La lutte contre la fraude sociale est une priorité du Gouvernement. À cette fin, différents outils sont mis en place et des moyens y sont alloués. La CNAF, dans le cadre de la lutte contre la fraude aux prestations sociales, met en œuvre un plan de contrôle annuel visant à détecter et prévenir la fraude. En 2017, le nombre de cas de fraudes enregistrés est de 45 100 cas contre 42 959 cas en 2016, soit une augmentation de 5 %. Par rapport à 2012, le nombre de cas de fraude détectés a été quasiment multiplié par trois. Cette progression est essentiellement due aux moyens mis en place par les CAF pour la détection de la fraude. Plus précisément, la CNAF : sécurise les données entrantes tout au long du process de production.
La politique de contrôle des allocataires repose sur des contrôles complémentaires, qui s'échelonnent de la demande de prestations jusqu'à vingt-quatre mois après le paiement. Des contrôles de cohérence sont réalisés ainsi que des contrôles sur pièce et des contrôles sur place ; cible les sécurisations sur les dossiers et les informations les plus à risque, notamment grâce à la mise en place d'outils novateurs tels le datamining dont le rendement atteint les 96 % en 2017 ; prévient le risque d'erreurs avec la mise en place de deux leviers principaux en matière de la communication et l'envoi de lettres de mise en garde.
La branche Famille communique sur les résultats de la lutte contre la fraude, tant au niveau national qu'au niveau départemental, depuis plusieurs années. Et par ailleurs, l'envoi de lettres de mise en garde à des allocataires qui ont eu des indus importants ou répétés a prouvé son efficacité puisque la part des allocataires ayant une fraude qualifiée après l'envoi d'une telle lettre est plus faible (1 %) que le reste de la population des allocataires (5 % en 2017).
Par ailleurs, en matière de lutte contre la fraude aux prestations sociales, ont été inscrits à la convention d'objectifs et de gestion (COG) 2018-2022 signée entre la CNAF et l'État les objectifs suivants : renforcer la prévention de la fraude en continuant les actions de communication auprès des allocataires sur leurs obligations de signalement de changements de situations et en envoyant des lettres de mise en garde sans sanction en cas d'erreurs ou retards répétés qui sont repérés suite à contrôle ; développer les actions de sécurisation plus en amont du paiement des droits pour garantir le juste droit : des contrôles de cohérence seront mis en oeuvre, en télé-procédures et dans l'outil métier, en amont de l'ouverture des droits ; renforcer les moyens des contrôle sur place car c'est le seul à détecter un certain nombre de risques.
Aussi, la branche renforcera son nombre de contrôleurs, et fera évoluer les modalités de contrôles pour en améliorer l'efficience ; développer les actions de contrôles « anti-fraudes », notamment à l'aide du big data et organiser le suivi des dossiers frauduleux. Elle assurera un suivi qualitatif des dossiers qualifiés en fraude, y compris classés sans suite. De même, la loi n° 2018-898 du 23 octobre 2018 relative à la lutte contre la fraude, renforce l'efficacité de la lutte contre la fraude en adoptant des mesures dans le but de mieux détecter, mieux appréhender et mieux sanctionner la fraude dont le renforcement des échanges d'informations entre administrations à des fins de lutte contre la fraude (article 6) et les sanctions dans la cadre de l'exercice du droit de communication (article 8) : sanction applicable en cas de silence gardé et introduction de la notion de récidive.
Concernant les prestations, le Gouvernement a engagé une vaste réforme de modernisation des conditions de délivrance des prestations sociales qui fait écho aux recommandations de Mme la Députée Christine Cloarec et de M. Julien Damon dans leur rapport intitulé « La juste prestation ; pour des prestations et un accompagnement ajustés ». Cette modernisation se fera par étape et commencera, dès 2019, par la contemporanéisation des ressources prises en compte pour le calcul des aides personnelles au logement. Ces aides ne seront plus calculées sur la base des ressources de l'avant-dernière année mais sur la base des ressources les plus récentes connues, actualisées tous les trois mois.
Parallèlement à cette réforme, les travaux relatifs à l'harmonisation des conditions de ressources et à l'uniformisation des conditions de versement des différentes prestations sociales se poursuivront, en cohérence avec l'objectif annoncé du Président de la République de mise en place d'un « revenu universel d'activité » qui fera l'objet d'un projet de loi en 2020. Enfin, le Gouvernement a inscrit dans les projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale pour 2019 un ajustement exceptionnel de la revalorisation des prestations sociales de 0,3 %, hors minima sociaux afin de préserver les plus fragiles.